Les soufis sont de grands poètes. Ils aiment chanter leur amour pour leur Seigneur. Ils traduisent en vers la plainte des hommes en quête de Dieu.
« Sur l’océan de la lumière
scintille une petite braise ;
quand l’Eternel créa le monde,
cette braise s’est allumée.
Vents, tempêtes et ouragans
se sont acharnés à l’éteindre,
mais elle scintille toujours,
brillante, comme un feu de joie.
Bien des esprits ont eu envie
de capturer son étincelle,
mais toujours elle s’éloignait,
laissant son ombre derrière elle.
Les siècles succèdent aux siècles,
sans cesse des esprits périssent,
Les siècles succèdent aux siècles,
sans cesse des esprits périssent,
mais à cette braise sacrée,
nul n’a ravi son étincelle.
Et moi, errant à sa poursuite,
je suis plongé dans de doux rêves ;
je la convoite, la désire,
je l’admire, et je la révère.
Mais mon désir est sans espoir,
car je ne l’atteindrai jamais ;
qui saisira ce grand secret :
d’où vient le parfum de la fleur ?
Sur l’océan de la lumière
scintille une braise éclatante ;
chacun s’efforce de l’atteindre,
mais son secret est insondable. »
(Safevtbeg Basâgic-Redzepasic)
« Sache que le monde tout entier est un miroir,
dans chaque atome se trouvent cent soleils flamboyants.
Si tu fends le cœur d’une seule goutte d’eau,
il en émerge cent purs océans.
Si tu examines chaque grain de poussière,
mille Adam peuvent y être découverts…
Un univers est caché dans un grain de millet ;
tout est rassemblé dans le point du présent…
De chaque point de ce cercle,
sont tirées des milliers de formes. »
(Mahmûd Shabestarî)
« Tant que durera ma vie
je serai à ta recherche ;
aussi longtemps que durera ma vie
ce sera là ma prière.
Dieu seul connaît la fin qui m’est réservée ;
le Bien-Aimé est plein de passion,
et moi si rempli d’impatience.
A ton cœur seul, amour,
mon âme aspire ;
et tout ce que je souhaite
Bien-Aimé c’est ton désir.
Où mon cœur, ô Dard ;
a-t-il jeté son regard ?
Quoi que je contemple
je ne vois nul autre que Toi.»
je ne vois nul autre que Toi.»
(Khwaja Mir Dard)
« O amis, entendez-moi :
l’amour est pareil au soleil,
et le cœur sans amour
est semblable à une pierre noire.
Que peut pousser d’un cœur de pierre ?
Celui qui le porte n’a sur la langue que venin,
et ses paroles, même les plus douces,
sont violentes comme la guerre.
Le cœur riche d’amour est ardent,
et devient tendre comme le cierge ;
les cœurs de pierre sont comme l’hiver :
hiver noir, hiver dur comme glace.
A la porte de notre Roi,
au service de notre Seigneur
les étoiles des amoureux sont pareilles aux sentinelles.
Yunnus, renonce à toutes préoccupations,
à tous les soucis du monde.
L’homme doit d’abord pouvoir s’emplir d’amour,
après quoi il pourra se dire un derviche. »
(Yunnus Emre)
« Seigneur, devant Toi me voilà prosterné,
que mon repentir agrée à Ta bonté ;
dans cette oraison en vers je Te supplie :
« Donnez-moi, Seigneur le sens de la beauté !
Seigneur, devant Toi me voilà prosterné. »
(Musa Casim Catic)
« Ne demeure pas prisonnier des liens de la nature,
viens contempler l’ouvrage divin.
Considère la structure des cieux,
afin de pouvoir louer la vérité pour ses signes.
Lève les yeux,
et vois comme la voûte du plus haut ciel
s’étend autour des mondes.
Pourquoi le nomme-t-on :
« Le trône du Miséricordieux » ?
Quel rapport avec le cœur de l’homme ?
Pourquoi tous deux sont-ils dans un mouvement perpétuel,
ne prenant jamais un instant de repos ?
Peut-être le cœur est-il le centre de ce ciel,
le cœur centre, et le ciel circonférence.
Tu peux voir ces cieux tourner
dans la rotation du jour et de la nuit,
comme la roue du potier.
A chaque instant, la sagesse du Maître
façonne un nouveau vase fait d’eau et d’argile.
Toute chose existante dans le temps et l’espace
provient de la main d’un seul Maître,
et d’un seul atelier.
Toutes les planètes tournent à la recherche,
tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de la terre.
Les éléments : l’eau, l’air, le feu et la terre,
occupent leur place sous les cieux ; chacun sert diligemment à la place qui Lui est assignée,
avant ou au-delà de laquelle il ne s’aventure jamais.
C’est d’eux que provient le triple royaume de la nature,
les minéraux, puis les plantes, ensuite les animaux,
élaborant en leur sein la substance
à l’instar des soufis qui se purifient de la forme :
tous, selon l’ordre et la faveur du Maître,
se tenant à leur place, soumis à sa volonté. Chaque point, dans sa rotation en cercle
est tantôt un cercle, tantôt une circonférence qui tourne. »
(Mahmûd Shabestarî)
« Ecoute, ô bien-aimé !
Je suis la réalité du monde,
le centre et la circonférence,
J’en suis les parties et le tout.
Je suis la volonté établie entre le ciel et la terre,
Je n’ai créé en toi la perception,
que pour être l’objet de ma perception.
Si donc tu Me perçois, tu te perçois toi-même,
mais tu ne saurais Me percevoir à travers toi.
C’est par Mon œil que tu Me vois, et que Je te vois,
ce n’est pas par ton œil que tu peux Me concevoir.
Bien-aimé, tant de fois t’ai-Je appelé,
et tu ne M’as pas entendu !
Tant de fois Me suis-Je à toi montré,
et tu ne M’as pas vu !
Tant de fois Me suis-Je fait douces effluves,
et tu n’as pas senti,
nourriture savoureuse,
et tu n’as pas goûté.
Pourquoi ne peux-tu M’atteindre
à travers les objets que tu palpes ?
Ou Me respirer à travers les senteurs ?
Pourquoi ne Me vois-tu pas ?
Pourquoi ne M’entends-tu pas ?
Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?
Pour toi mes délices surpassent
toutes les autres délices,
et le plaisir que Je te procure
dépasse tous les autres plaisirs.
Pour toi Je suis préférable
à tous les autres biens.
Je suis la beauté, Je suis la grâce,
Bien-aimé, aime-Moi,
aime-Moi seul, aime-Moi d’amour.
Nul n’est plus intime que Moi.
Les autres t’aiment pour eux-mêmes :
Moi, Je t’aime pour toi,
et toi, tu t’enfuis loin de Moi.
Bien-aimé, tu ne peux Me traiter avec équité,
car si tu te rapproches de Moi,
c’est parce que Je me suis rapproché de toi.
Je suis plus près de toi que toi-même,
que ton âme, que ton souffle.
Bien-aimé, allons vers l’union.
Allons la main dans la main,
entrons en la présence de la vérité,
qu’elle soit notre juge,
et imprime son sceau sur notre union à jamais.»
(Ibn’Arabi)
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