17 octobre 2021

Introduction aux doctrines ésotériques de l'Islam

« Introduction aux doctrines ésotériques de l’Islam » est un petit ouvrage de théologie musulmane, qui a été écrit par Titus Burckhardt. (Extraits)



« […] Le Soufisme fait de l’invocation, le dhirk au sens rigoureux et restreint de ce terme, le moyen central de sa méthode ; en cela, il est en accord avec la plupart des traditions du présent cycle de l’humanité. Pour comprendre la portée de ce moyen, il faut se rappeler que, selon l’expression révélée, le monde a été créé par la Parole de Dieu, ce qui indique une analogie réelle entre l’Esprit universel et la parole. Dans l’invocation, le caractère ontologique de l’acte rituel s’exprime de la manière la plus directe : la simple énonciation du Nom Divin, analogue à l’énonciation primordiale et illimitée de l’Etre, est ici le symbole d’un état ou d’une connaissance indifférenciés, supérieurs au seul « connaître » rationnel.

Le Nom Divin, révélé par Dieu même, implique une Présence Divine qui devient opérante dans la mesure où le Nom prend possession du mental de celui qui l’invoque. L’homme ne peut se concentrer directement sur l’Infini, mais en se concentrant sur le symbole de l’Infini, il atteint l’Infini même : quand le sujet individuel s’est identifié avec le Nom, au point que toute projection mentale a été absorbée par la forme du Nom, l’Essence Divine de celui-ci se manifeste spontanément, car cette forme sacrée ne tend vers aucune chose en dehors d’elle-même ; elle n’a de rapport positif qu’avec son Essence, et ses limites se dissolvent finalement dans Celle-ci. C’est ainsi que l’union au Nom Divin devient l’Union à Dieu même.

La signification de « souvenir » impliquée dans le mot dhirk, qualifie indirectement l’état ordinaire d’oubli et d’inconscience de l’homme : l’homme a oublié son propre être prétemporel en Dieu, et cet oubli foncier entraîne d’autres oublis et d’autres inconsciences. Selon une parole du Prophète, « ce monde-ci est maudit, et tout ce qu’il contient est maudit, sauf l’invocation (ou le souvenir) de Dieu. » Le Coran dit : - Certes, la prière empêche les transgressions passionnelles et les péchés graves, mais l’invocation de Dieu est plus grande » ; ce qui signifie, d’après les uns, que la mention - ou le souvenir - de Dieu constitue la quintessence de la prière ; tandis que, d’après d’autres, ce passage indique l’excellence de l’invocation par rapport à la prière.

D’autres fondements scripturaires de l’invocation du Nom - ou des Noms - de Dieu sont les passages coraniques suivants : - « Souvenez-vous de Moi, Je Me souviendrai de vous… » (ou : « Mentionnez-Moi, Je vous mentionnerai… »). – « Invoquez votre Seigneur avec humilité et en secret… Et invoquez-Le par crainte et par désir ; en vérité, la Miséricorde de Dieu est proche de ceux qui pratiquent les vertus », ceux qui pratiquent al-ihsân, c’est-à-dire l’approfondissement, par la « pauvreté », ou la « sincérité », de la « foi » et de la « soumission » à Dieu.

La mention, dans ce passage, de l’« humilité », du « secret », de la « crainte » et du « désir » est d’une extrême importance technique. – « Et à Dieu sont les plus beaux Noms ; appelez-Le par eux » - « O vous croyez ! lorsque vous rencontrez une troupe (ennemie), soyez fermes et souvenez-vous beaucoup de Dieu, afin que vous réussissiez ». Le sens ésotérique de la troupe est « l’âme qui incite au mal » ; il y a alors transposition du sens littéral, qui concerne la guerre sainte mineure », sur le plan de la guerre sainte majeure ». – « Ceux qui croient et dont les cœurs se reposent en sécurité dans le souvenir (l’invocation) de Dieu ; n’est-ce point par le souvenir de Dieu que les cœurs se reposent en sécurité ? ». Ici, l’état d’âme du profane est implicitement comparé à un trouble ou une agitation du fait de sa dispersion dans la multiplicité, qui est aux antipodes de l’Unité Divine. […] »

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