« Introduction
aux doctrines ésotériques de l’Islam » est un petit ouvrage de théologie
musulmane, qui a été écrit par Titus Burckhardt. (Extraits)
« […] Le Soufisme fait de l’invocation, le dhirk au sens rigoureux
et restreint de ce terme, le moyen central de sa méthode ; en cela, il est
en accord avec la plupart des traditions du présent cycle de l’humanité. Pour
comprendre la portée de ce moyen, il faut se rappeler que, selon l’expression
révélée, le monde a été créé par la Parole de Dieu, ce qui indique une analogie
réelle entre l’Esprit universel et la parole. Dans l’invocation, le caractère
ontologique de l’acte rituel s’exprime de la manière la plus directe : la
simple énonciation du Nom Divin, analogue à l’énonciation primordiale et
illimitée de l’Etre, est ici le symbole d’un état ou d’une connaissance
indifférenciés, supérieurs au seul « connaître » rationnel.
Le Nom Divin, révélé par Dieu même, implique une Présence Divine qui
devient opérante dans la mesure où le Nom prend possession du mental de celui
qui l’invoque. L’homme ne peut se concentrer directement sur l’Infini, mais en
se concentrant sur le symbole de l’Infini, il atteint l’Infini même :
quand le sujet individuel s’est identifié avec le Nom, au point que toute
projection mentale a été absorbée par la forme du Nom, l’Essence Divine de
celui-ci se manifeste spontanément, car cette forme sacrée ne tend vers aucune
chose en dehors d’elle-même ; elle n’a de rapport positif qu’avec son
Essence, et ses limites se dissolvent finalement dans Celle-ci. C’est ainsi que
l’union au Nom Divin devient l’Union à Dieu même.
La signification de « souvenir » impliquée dans le mot dhirk,
qualifie indirectement l’état ordinaire d’oubli et d’inconscience de
l’homme : l’homme a oublié son propre être prétemporel en Dieu, et cet
oubli foncier entraîne d’autres oublis et d’autres inconsciences. Selon une
parole du Prophète, « ce monde-ci est maudit, et tout ce qu’il contient
est maudit, sauf l’invocation (ou le souvenir) de Dieu. » Le Coran
dit : - Certes, la prière empêche les transgressions passionnelles et les
péchés graves, mais l’invocation de Dieu est plus grande » ; ce qui
signifie, d’après les uns, que la mention - ou le souvenir - de Dieu constitue
la quintessence de la prière ; tandis que, d’après d’autres, ce passage
indique l’excellence de l’invocation par rapport à la prière.
D’autres fondements scripturaires de l’invocation du Nom - ou des Noms -
de Dieu sont les passages coraniques suivants : - « Souvenez-vous de
Moi, Je Me souviendrai de vous… » (ou : « Mentionnez-Moi, Je
vous mentionnerai… »). – « Invoquez votre Seigneur avec humilité et
en secret… Et invoquez-Le par crainte et par désir ; en vérité, la
Miséricorde de Dieu est proche de ceux qui pratiquent les vertus », ceux qui
pratiquent al-ihsân, c’est-à-dire l’approfondissement, par la
« pauvreté », ou la « sincérité », de la « foi »
et de la « soumission » à Dieu.
La mention, dans ce passage, de l’« humilité », du
« secret », de la « crainte » et du « désir » est
d’une extrême importance technique. – « Et à Dieu sont les plus beaux
Noms ; appelez-Le par eux » - « O vous croyez ! lorsque
vous rencontrez une troupe (ennemie), soyez fermes et souvenez-vous beaucoup de
Dieu, afin que vous réussissiez ». Le sens ésotérique de la troupe est
« l’âme qui incite au mal » ; il y a alors transposition du sens
littéral, qui concerne la guerre sainte mineure », sur le plan de la
guerre sainte majeure ». – « Ceux qui croient et dont les cœurs se
reposent en sécurité dans le souvenir (l’invocation) de Dieu ; n’est-ce
point par le souvenir de Dieu que les cœurs se reposent en
sécurité ? ». Ici, l’état d’âme du profane est implicitement comparé
à un trouble ou une agitation du fait de sa dispersion dans la multiplicité,
qui est aux antipodes de l’Unité Divine. […] »
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