2 octobre 2021

Contes du yoga

La littérature du yoga est extrêmement riche en contes, en légendes et en récits mythologiques. Cela fait partie de la tradition immémoriale de la grande Inde (Bharata). 

   

« Une veille légende hindoue raconte qu'il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieux ; mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin, et de le cacher à un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Le grand problème fût donc de Lui trouver une cachette. Lorsque les dieux mineurs furent convoqués à un conseil pour résoudre ce problème, ils proposèrent ceci : « Enterrons la divinité de l'homme dans la terre. » Mais Brahma répondit :  - « Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera, et la trouvera. » Alors les dieux répliquèrent :  - « Jetons la divinité dans le plus profond des océans. » Mais Brahma répondit à nouveau : - « Non, car tôt ou tard, l'homme explorera les profondeurs de tous les océans, et il est certain qu'un jour il la trouvera, et la remontera à la surface. » Alors les dieux mineurs conclurent : - « Nous ne savons pas où la cacher car il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d'endroit que l'homme ne puisse atteindre un jour. » Alors Brahma dit : - « Voici ce que nous nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher. » Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé, à la recherche de quelque chose qui se trouve en Lui. » (Auteur inconnu)

« Narada est un barde védique légendaire, et est l’auteur de nombreux hymnes des Védas. Il est le fidèle le plus dévoué de Vishnu, la divinité de l’ordre de l’univers. L’histoire raconte qu’un jour Vishnu, était dans une phase où il passait une période cosmique à une autre, sortant momentanément d’un profond sommeil. Il allait se tourner sur l’autre flanc tandis que Narada étant en train de jouer de la vina, et de chanter pour accompagner le sommeil cosmique de son Seigneur. A un certain moment, Vishnu bouge, et entrouvre les yeux. Narada se dit : - « Je vais en profiter pour lui poser une question concernant la nature de la mâyâ, l’illusion de l’existence de ce monde. » Se tournant alors vers Vishnu, Narada Lui dit : - « O Seigneur des trois mondes, je t’en prie initie-moi au mystère de la mâyâ. » Et Vishnu lui dit : - « C’est une question très intéressante, mais s’il te plait, peux-tu aller me chercher un verre d’eau ? ». Narada dépose son instrument de musique, prend sa gourde Kamandalou, descend le chemin céleste qui se trouve à proximité, et arrive sur la berge d’un grand fleuve. Il se prépare à prendre de l’eau dans sa gourde lorsqu’au milieu du fleuve il aperçoit une barque en détresse avec une jeune femme et un homme qui font de grands signes. Il y a un coup de vent, les vagues s’élèvent, la barque chavire, et les deux passagers se retrouvent dans le fleuve. Narada dépose sa gourde sur le rivage, plonge dans le fleuve, et nage jusqu’au milieu du torrent. N’ayant ni la force ni le temps de sauver les deux naufragés, il sauve la jeune femme, et la ramène de l’autre côté du fleuve, car il lui est impossible de revenir sur la première berge, vu le flot du torrent. Là, tout le village les reçoit, et Narada est chaleureusement accueilli. La jeune femme se trouve être la fille du chef du village. Le soir même Narada a droit à une cérémonie pour son acte d’héroïsme, puis il passe une nuit de repos bien méritée. Le lendemain, en revoyant la jeune femme, c’est le coup de foudre entre eux et, une semaine plus tard, Narada et sa compagne célèbrent leur mariage. Il devient tisserand comme tous les membres du village. Plus tard sa femme accouchera d’un fils, pus d’un deuxième, d’un troisième, et ainsi de suite. Le chef de la tribu meurt, et Nârada est appelé à lui succéder. Le village prospère mais au bout de quelques temps une bande de voleurs attaquent le village, la plupart des familles sont assassinées, tous les biens sont emportés, et seuls Narada et les siens parviennent à s’échapper miraculeusement dans la forêt. Commence alors une vie d’errance pendant laquelle, se nourrissant de fruits sauvages, ils leur arrivent plein de mésaventures, jusqu’au jour où ils se retrouvent dans le désert. Ses enfants tombent malades, et finissent par succomber, sa femme tombe malade, et meurt à son tour. Narada reste seul, et erre tel un mendiant, allant de ville en ville. Un jour, pris par des brigands, il se fait brigand lui-même. Les choses deviennent de plus en plus compliquées pour lui. Se trouvant dans des situations inextricables, allant d’un extrême à l’autre, il passe tantôt par des états de grande euphorie, tantôt par des situations de guerres terribles. A plusieurs reprises, il voit les êtres détruits autour de lui : lui-même meurt, et renaît plusieurs fois. Lorsqu’un jour, après un gigantesque incendie, il se trouve au bord d’une rivière où exténué et assoiffé, il se jette à l’eau. Tout à coup une lumière devant lui surgit, tandis qu’une voix mystérieuse se fait entendre : - « Hé ! Narada, et mon verre d’eau ? » Alors Narada se réveille. Cet appel ! En un instant il se souvient de la tâche originelle que le Seigneur lui avait confiée. Il se retrouve devant ce fleuve avec la gourde à ses côtés. Il vient de s’éveiller à sa véritable tâche, prend de l’eau, et s’en retourne chez Vishnu. Celui-ci alors Lui dit : - « Tu m’avais posé une question, n’est-ce pas ? » et Narada lui répondit : - « Oui Maître, mais tu m’en as fait vivre la réponse. ». (Auteur inconnu) 

« Quatre aveugles s'assemblèrent un jour pour examiner un éléphant. Le premier toucha la jambe de l'animal et dit : - « L'éléphant est comme un pilier ». Le second palpa la trompe et dit : - « L'éléphant est comme une massue ». Le troisième aveugle tâta le ventre et déclara : - « L'éléphant est comme une grosse jarre ». Le quatrième enfin fit bouger une oreille de l'animal, et dit à son tour : - « L'éléphant est comme un grand éventail ». Puis ils se mirent à se disputer sur ce sujet. Un passant leur demanda la raison de leur querelle ; ils la lui exposèrent, et le prirent comme arbitre. L'homme déclara : - « Aucun de vous n'a bien vu l'éléphant. Il n'a pas l'air d'un pilier, mais ses jambes sont des piliers ; il n'a pas l'air d'un éventail, mais ses oreilles éventent ; il n'a pas l'aspect d'une jarre, c'est son ventre qui y ressemble. Il n'est pas une massue, c'est sa trompe qui est semblable à une massue. L'éléphant est une combinaison de tout cela : jambes, oreilles, trompe et ventre ». Ainsi se querellent ceux qui n'ont vu que l'un des aspects de la Divinité. » (Ramakrishna)

« Dix niais passèrent un fleuve à gué. En arrivant sur l’autre rive, leur premier soin fut de s’assurer que tous avaient bien passé le cours d’eau. L’un d’entre eux commença à compter les autres, mais en oubliant de se compter lui-même. - « Nous ne sommes que neuf ! » s’écria-t-il. - « Nous avons perdu un de nos camarades ! Qui cela peut-il être ? » - « Es-tu sûr d’avoir bien compté ? » demanda un autre qui se mit en devoir de faire le calcul lui-même. Mais lui aussi oublia de s’inclure. L’un après l’autre, chacun des amis compta les autres, chaque fois en omettant de se compter soi-même. - « Nous sommes bien réellement neuf ! » en conclurent-ils. - « Qui peut bien être le manquant ? » Naturellement, tous leurs efforts pour découvrir le camarade absent échouèrent. - « En tous cas, celui qui manque s’est certainement noyé. » s’écria le plus sentimental de ces dix niais. Et nous l’avons sûrement perdu ! » Disant cela, il éclata en sanglots, et les neuf autres l’imitèrent. Les voyants ainsi en train de pleurer sur la berge, un passant bienveillant leur demanda la cause de leurs larmes. Ils lui racontèrent l’événement et lui dirent qu’après s’être comptés plusieurs fois, ils ne se trouvaient jamais que neuf. En entendant cette histoire, et les voyants tous les dix devant lui, le voyageur devina ce qui était arrivé. Afin de leur faire comprendre qu’ils étaient bien réellement dix, et qu’ils avaient traversé le fleuve en toute sécurité, il leur dit : - « Que chacun de vous compte par lui-même, l’un après l’autre à son tour : 1,2,3…et chaque fois je vous donnerai une tape afin que vous soyez bien sûrs d’avoir été inclus dans le compte, et inclus seulement une fois. Le dixième homme « perdu » sera alors récupéré. Pleins de joie à l’idée de retrouver leur dixième camarade, les pauvres niais acceptèrent la méthode suggérée par le passant. Lorsque le bon voyageur donnait à chacun des dix une petite tape, celui qui la recevait se comptait à haute voix. - « Dix ! » s’écria le dernier homme qui reçut à son tour le dernier coup. Et ils se regardèrent les uns les autres tout surpris. - « Nous sommes bien dix ! » s’écrièrent-ils finalement d’une seule voix. Et ils remercièrent chaleureusement le voyageur de les avoir tirés d’embarras. Voilà la parabole. D’où le dixième homme surgit-il ? Avait-il jamais été perdu ? En apprenant qu’il avait toujours été là, ont-ils appris quelque chose de nouveau ? La cause de leur chagrin ne résidait pas dans la perte d’aucun d’entre eux, mais dans leur propre ignorance, ou plutôt dans leur simple supposition que l’un dans eux s’était noyé - bien qu’il leur eût été impossible de savoir lequel - parce qu’ils n’avaient compté que neuf personnes. Tel est le cas pour vous aussi. Il n’y a véritablement aucune raison pour que vous soyez misérable ou malheureux. C’est vous-même qui imposez des limitations à votre propre nature d’Etre infini, puis qui pleurez parce que vous n’êtes qu’une créature finie. C’est alors que vous entreprenez telle ou telle sâdhana pour abolir ces limitations qui n’ont pas d’existence. Mais si votre sâdhana elle-même admet leur existence, comment vous aidera-t-elle à transcender ces limitations ? C’est pourquoi, je vous le déclare, sachez que vous êtes réellement l’Etre pur, infini, le Soi absolu. Vous êtes toujours le Soi, et uniquement Lui. Par conséquent, vous ne pouvez jamais être réellement ignorant du Soi ; votre ignorance est sans fondements comme celle des dix malheureux qui pleuraient leur camarade : c’est elle qui les faisait gémir et se lamenter ; sachez donc que la vraie connaissance ne créera pas pour vous un être nouveau. Elle abolira simplement votre « ignorance ignorante ». La félicité n’est pas ajoutée à votre nature. Elle ne fait que se révéler comme votre état véritable, naturel, éternel et impérissable. La seule façon de vous délivrer de vos tourments consiste à connaître, et à être le Soi. Comment ceci serait-il hors de votre portée ? » (Ramana Maharshi) 

« On raconte l’histoire d’une lionne, qui était sur le point de mettre bas, et qui cherchait une proie ; elle aperçut un troupeau de moutons, et elle bondit. Mais cet effort la tua, et un petit lion naquit, orphelin. Les moutons en prirent soin, l’élevèrent ; il grandit avec eux, mangea de l’herbe, bêla comme les moutons. Avec le temps il devint un grand lion adulte, mais il se croyait toujours mouton. Un jour, un autre lion s’approcha, en quête d’une proie, et il fut stupéfait de voir au milieu de ce troupeau de moutons un lion qui fuyait comme les moutons à l’approche du danger. Il essaya de s’approcher du mouton-lion, pour lui dire que c’était un lion et non pas un mouton, mais à son approche le malheureux animal s’enfuyait. Il chercha pourtant une occasion, et un jour, trouvant le lion-mouton endormi, il s’approcha de lui et lui dit : - « Tu es un lion ». L’autre pleurnicha : - « Je suis un mouton » ; il ne pouvait croire le contraire et il bêlait. Le premier lion l’entraîna alors vers un lac et lui dit : - « Regarde ; voici mon image et voilà la tienne ». Alors le soi-disant mouton compara, il regarda le lion, puis regarda sa propre image, et en un instant il se rendit compte qu’il était lion. Il se mit à rugir. Finis les bêlements ! Vous aussi, vous êtes comme ce lion. Vous êtes des âmes pures, infinies, parfaites. »  (Swâmi Vivekânanda)


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