3 octobre 2021

Un conte soufi

La littérature soufie est très riche en contes et paraboles. « Le langage des oiseaux » est un conte célèbre d’initiation spirituelle, du grand soufi Attar. (Extraits)
 

« […] Les oiseaux du monde se réunirent tous, tant ceux qui sont connus que ceux qui sont inconnus, et ils tinrent alors entre eux ce langage : « Il n’y a pas dans le monde de pays sans roi ; comment se fait-il cependant que le pays des oiseaux en soit privé ? Il ne faut pas que cet état de chose dure plus longtemps ; nous devons joindre nos efforts, et aller à la recherche d’un roi […] ». Ils partent donc à la recherche du Simorgh, oiseau fabuleux symbole du roi, c’est-à-dire, de Dieu. Après avoir essuyé beaucoup d’épreuves et franchi les sept vallées (de la quête ; de l’amour ; de la connaissance ; du détachement ; de l’unité ; de l’émerveillement ; de l’annihilation du « moi ») qui les séparent de leur but, ils parviennent enfin au terme de leur pèlerinage. Mais ils ne sont plus que trente oiseaux (en persan : si morgh). C’est en ce jeu de mots qu’est la pointe de l’apologue […] »

« […] Nous voulons être anéantis par le feu », dirent les oiseaux. […] Le chambellan de la grâce vint leur ouvrir la porte, puis il ouvrit encore cent rideaux les uns après les autres. Alors un monde nouveau se présenta sans voile à ces oiseaux : la plus vive lumière éclaira cette manifestation. Tous s’assirent sur le masnad de la proximité, sur la banquette de la majesté et de la gloire. On mit devant eux un écrit en leur disant de le lire jusqu’au bout. Or, cet écrit devait leur faire connaître par allégorie, leur état désolé […]. Ils y trouvèrent complètement consigné tout ce qu’ils avaient fait […]. L’âme de ces oiseaux s’anéantit entièrement de crainte et de honte […]. Lorsqu’ils furent ainsi tout à fait purifiés et dégagés de toute chose, ils trouvèrent tous une nouvelle vie dans la lumière du Simorgh. Ils devinrent ainsi de nouveaux serviteurs, et furent une seconde fois plongé dans la stupéfaction. Tout ce qu’ils avaient pu faire anciennement fut purifié, et même effacé de leur cœur : le soleil de la proximité darda sur eux ses rayons, et leur âme en fut resplendissante. Alors, dans le reflet de leur visage, ces trente oiseaux - si morgh - mondains contemplèrent la face du Simorgh spirituel. Ils se hâtèrent de regarder ce Simorgh, et ils s’assurèrent qu’il n’était autre que Simorgh […]. Tous tombèrent alors dans la stupéfaction ; ils ignoraient s’ils étaient restés eux-mêmes ou s’ils étaient devenus le Simorgh, et que le Simorgh était réellement les trente oiseaux - si morgh -. Lorsqu’ils regardaient du côté du Simorgh, ils voyaient bien que c’était le Simorgh qui était en cet endroit, et s’ils portaient leurs regards vers eux-mêmes, ils voyaient qu’eux-mêmes étaient le Simorgh. Enfin, s’ils regardaient à la fois des deux côtés, ils s’assuraient qu’eux et le Simogh ne formaient en réalité qu’un seul Etre. Ce seul Etre était Simorgh et Simorgh était cet Etre. Personne dans le monde n’entendit jamais rien de pareil […]. Comme ils ne comprenaient rien à cet état de choses […], ils demandèrent au Simorgh de leur dévoiler le grand secret […]. 

« Alors, le Simorgh leur fit cette réponse : - « Le soleil de ma majesté est un miroir ; celui qui veut se voit dedans ; il y voit son âme et son corps ; il s’y voit tout entier […]. » - « Quoique vous soyez extrêmement changés, vous vous voyez vous-mêmes comme vous étiez auparavant […]. Tout ce que tu as su ou vu n’est ni ce que tu as su ni ce que tu as vu, et ce que tu as dit ou entendu n’est pas non plus cela. Lorsque vous avez franchi les vallées du chemin spirituel, lorsque vous avez fait de bonnes œuvres, vous n’avez agi que par mon action, et vous avez pu ainsi voir la vallée de mon essence et de mes perfections. Anéantissez-vous donc en Moi glorieusement et délicieusement, afin de vous retrouver vous-mêmes en Moi […]. » Les oiseaux s’anéantirent en effet à la fin pour toujours dans le Simorgh ; l’ombre se perdit dans le soleil, et voilà tout. »

« […] Sachez que quand le Simorgh (Dieu) manifeste hors du voile sa face aussi brillante que le soleil, Il produit des milliers d’ombres sur la terre ; puis Il jette son regard sur ces ombres pures. Il déploie donc son ombre dans le monde, et alors paraissent à chaque instant de nombreux oiseaux. Les différentes espèces d’oiseaux qu’on voit dans le monde ne sont donc tous que l’ombre du Simorgh. Sachez bien cela, ô ignorants ! Si tu n’as pas un œil propre à voir le Simorgh, tu n’auras pas non plus un cœur brillant comme un miroir propre à Le réfléchir. Il est vrai qu’il n’y a pas d’œil susceptible d’admirer cette beauté, ni de la comprendre ; on ne peut aimer le Simorgh comme les beautés temporelles ; mais par excès de bonté, Il a fait un miroir pour s’y réfléchir. Le miroir, c’est le cœur. Regarde dans le cœur, et tu verras son image. […]» 

« Lorsque le soleil de la connaissance brille à la voute de ce chemin, qu’on ne saurait décrire convenablement, chacun est éclairé selon son mérite, et il trouve le rang qui lui est assigné dans la connaissance de la vérité. » « […] Quoique tu vois beaucoup d’individu, il n’y en a en réalité qu’un petit nombre ; que dis-je ? Il n’y en a qu’Un seul. Comme cette quantité de personnes n’en fait vraiment qu’Une, celle-ci est complète dans son unité. Ce qui se présente à toi comme une unité n’est pas différent de ce qui se compte. […]»


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